Décret N°93/578 du 15 juillet 1993 fixant les conditions de fond et de forme applicables aux conventions collectives de travail

LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT,
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 92/007 du 14 août 1992 portant Code du Travail, notamment en son article 60 ;
Vu le décret n° 92/245 du 26 novembre 1992 portant organisation du Gouvernement, ensemble ses modificatifs subséquents ;
Vu le décret n° 92/089 du 4 mai 1992 précisant les attributions du Premier Ministre
Vu le décret n° 92/244 du 25 novembre 1992 portant nomination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;
Sur avis de la Commission Nationale Consultative du Travail en sa séance du 31 mars 1993 ;
DÉCRETE :

Article 1er – Le présent décret fixe les conditions de fond et de forme applicables aux conventions collectives de travail.

CHAPITRE I : DE L'OBJET ET DU CHAMP D'APPLICATION PROFESSIONNEL ET TERRITORIAL D’UNE CONVENTION COLLECTIVE

Article 2 – (1) Conformément à l’article 52, alinéa (1) du Code du Travail ci-après désigné « le Code », une convention collective a pour objet de régler les rapports professionnels entre les employeurs et les travailleurs, soit d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises, soit d’une branche d’activités ou de plusieurs branches d’activités réputés connexes entre elles.

(2) Pour la détermination des branches d’activités et des activités réputées connexes, le présent décret se réfère à la législation et la réglementation en vigueur fixant la forme des syndicats professionnels admis à la procédure d’enregistrement.

Article 3 – (1) Lorsqu’une convention collective est conclue dans le cadre d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises, son champ d’application territorial peut être national, interdépartemental ou local. Elle est dite convention collective d’entreprise et ne peut, en aucun cas, faire l’objet d’une extension à une entreprise non signataire.

(2) Lorsqu’une convention collective est conclue dans le cadre d’une ou de plusieurs branches d’activités, son champ d’application doit obligatoirement couvrir l’ensemble du territoire. Elle est alors dite convention collective nationale et peut faire l’objet de l’extension prévue au chapitre IX avec les effets et sanctions définies à l’article 22.
(3) Lorsqu’une convention collective nationale a été conclue, il ne peut plus être négocié de convention collective d’entreprise dans la même branche d’activité. Dans ce cas, seuls sont admis les accords d’établissement aux conditions fixées par l’article 57 du Code.

CHAPITRE II : DE LA CONCLUSION DES CONVENTIONS COLLECTIVES

SECTION I : des dispositions communes a toutes les conventions collectives

Article 4 – (1) Les représentants des organisations syndicales visées à l’article 52 du Code peuvent contracter au nom de l’organisation qu’ils représentent en vertu :

a) Soit des stipulations particulières ou statutaires de cette organisation ;
b) Soit d’une délibération spéciale de cette organisation ;
c) Ou de mandats écrits qui leur sont remis, individuellement, par la majorité des membres de cette organisation.
(2) Les pouvoirs des représentants des organisations syndicales et les pouvoirs des employeurs pris individuellement doivent être vérifiés avant l’ouverture des négociations.

Article 5 – (1) Toute convention collective est conclue pour une durée indéterminée.

(2) Elle doit prévoir dans quelles formes et à quelle époque de son exécution elle pourra être dénoncée au révisée.

Article 6 – La convention collective est établie sur papier libre et doit être signée par chacun des négociateurs.

Article 7 – (1) Outre les indications relatives à son champ d’application professionnel et territorial, au lieu et à la date de sa conclusion, à la désignation des parties contractantes, aux noms et qualité des signataires, la convention collective doit obligatoirement compter des dispositions concernant :

a) Le libre exercice du droit syndical et la liberté d’opinion des travailleurs ;
b) Les conditions d’embauche et le licenciement des travailleurs, sans que les dispositions prévues puissent porter atteinte au libre choix du syndicat par le travailleur ;
c) La durée de la période d’essai, les conditions et la durée du préavis ;
d) L’indemnité de licenciement ;
e) La classification professionnelle et la grille de salaires y afférentes ;
f) L’institution d’une commission paritaire de classement à laquelle sont soumises les contestations individuelles sur la classification professionnelle des travailleurs qui n’auraient pu être réglées dans le cadre de l’entreprise ;
g) Les modalités particulières concernant l’attribution du logement ;
h) L’indemnité de déplacement ;
i) Les conditions particulières du travail : heures supplémentaires, travail de nuit, du dimanche et des jours fériés, travail par roulement ;
j) Les majorations de congé pour l’ancienneté ;
k) Les voyages et les transports quand ceux-ci sont à la charge de l’employeur ;
l) L’organisation et le fonctionnement de l’apprentissage et de la formation professionnelle dans le cadre de la branche d’activité considérée
m) La procédure de révision, de modification et de dénonciation de tout ou partie de la convention collective.
(2) Elle peut également contenir, sans que cette énumération soit limitative, des dispositions concernant :
a) La prime d’assiduité ;
b) L’indemnité pour frais professionnels et assimilés ;
c) La prime de panier pour les travailleurs devant prendre leur repas sur lieu du travail ;
d) Les majorations pour travaux pénibles, dangereux, insalubres, et en général, toutes dispositions ayant pour but de régler ou d’améliorer les rapports professionnels entre les employeurs et les travailleurs et non prévues par les lois et règlements en vigueur.

SECTION II : Des dispositions particulières aux conventions collectives nationales

Article 8 – (1) La convention collective nationale est élaborée par une commission mixte composée, en nombre égal, de représentants des employeurs et des travailleurs, nommés par arrêté du Ministre chargé du travail, sur proposition des organisations syndicales les plus représentatives.

(2) Cette commission est constituée soit à la demande de l’une des organisations syndicales d’employeurs ou de travailleurs intéressées, soit à l’initiative du Ministre chargé du travail.
(3) Lorsque dans la branche d’activité concernée par la convention collective, il n’existe pas d’organisation syndicale d’employeurs ou qu’il n’existe qu’une ou plusieurs organisation(s) syndicale(s) insuffisamment représentatives(s), la délégation patronale de la commission mixte peut être constituée de représentants d’un groupement d’employeurs à condition que ceux-ci utilisent ensemble au moins soixante pour cent (60%) de l’effectif des travailleurs employés dans la branche. Aux fins de la conclusion et de l’exécution de la convention et les modifications ultérieures, le groupement est alors investi des mêmes obligations, droits et prérogatives qu’une organisation syndicale.

Article 9 – Pour l’application des dispositions de l’article 8, le caractère représentatif d’une organisation syndicale s’apprécie dans la branche d’activité concernée par la convention collective, en fonction des critères définis à l’article 20 du Code.

Article 10 – (1) La commission mixte est présidée par un représentant de l’Administration chargée du Travail, désigné dans l’arrêté prévu à l’article 8.

(2) Le Président convoque la commission mixte et en conduit les travaux. (3) Il assure, pour chaque séance, l’établissement d’un procès-verbal qu’il soumet à l’approbation des membres de la commission à l’ouverture de la séance suivante.

CHAPITRE III : DES REGLES APPLICABLES AU DEPOT, A LA PUBLICITE ET AUX CONDITIONS D’ADHESION A UNE CONVENTION COLLECTIVE

SECTION I : Du dépôt

Article 11 – (1) La convention collective est déposée au greffe du tribunal de première instance du lieu où elle a été conclue.

(2) Le dépôt est fait en quatre (4) exemplaires originaux, daté et signés, aux soins de la partie la plus diligente et sans frais. Le greffier en chef du Tribunal délivre immédiatement récépissé du dépôt et remet à la partie déposante un exemplaire original de la convention collective, revêtu de la mention et de la date du dépôt.
(3) Dans les trois (3) jours suivant le dépôt, le greffier en chef donne notification au Ministre chargé du travail, en joignant à cette notification un exemplaire original de la convention portant mention de la date et de la qualité de la partie déposante.

Article 12 – (1) La date du dépôt sert de point de départ du délai d’application de la convention, de la modification ou révision, de la dénonciation de l’adhésion et du retrait de celle-ci.

(2) Sauf stipulation contraire des parties, une convention collective est applicable à compter du jour qui suit son dépôt.

Article 13 – Les modifications apportées à une convention collective doivent être déposées, notifiées et publiées dans les mêmes conditions que la conclusion.

SECTION II : De la publicité de la convention collective

Article 14 – La communication de la convention collective est donnée gratuitement aux personnes intéressées dans les locaux du greffe du tribunal où cet instrument a été déposé. Des copies certifiées conformes, sur papier libre, leur sont délivrées sur leur demande et à leurs frais.

Article 15 – (1) Dans les établissements entrant dans le champ d’appli- cation d’une convention collective, l’existence de celle-ci doit être portée à la connaissance des travailleurs lors de leur embauche.

(2) Un exemplaire du texte doit être remis aux délégués du personnel s’il en existe, ou dans le cas contraire tenu à la disposition des travail- leurs dans le local où s’effectue la paie.

SECTION III : Des conditions d’adhésion à une convention collective

Article 16 – (1) Toute organisation syndicale de travailleurs ou d’employeurs ou tout employeur pris individuellement, qui n’est pas partie à une convention collective, peut y adhérer ultérieurement à la double condition suivante :

a) L’adhésion ne peut concerner qu’une convention dont le champ l’application professionnel est inclus dans le secteur économique dont relève l’organisation syndicale ou l’employeur qui se propose d’y adhérer ;
b) La possibilité d’adhésion doit avoir été expressément stipulée à la convention collective concernée.
(2) Lorsqu’une convention collective prévoit une telle possibilité d’adhésion, elle doit préciser les droits des parties adhérentes en matière de modification, de révision et de dénonciation ainsi que la place qui leur est réservée dans les commissions ou organismes paritaires résultant de la convention.
(3) L’adhésion fait l’objet d’un acte écrit comportant la désignation de la ou des partie(s) adhérente(s), les noms et qualités des signataires, l’indication du champ d’application professionnel et territorial concerné par l’adhésion. Cet acte est soumis au préalable à l’agrément du Ministre chargé du travail et, une fois cet agrément dûment obtenu, aux forma- lités de dépôt et de notification prévues à l’article 11.

Article 17 – La dénonciation d’une convention collective fait l’objet d’un acte signé par la ou les partie(s) contractante(s) qui en prend ou en prennent l’initiative. Cet acte est soumis, tant en ce qui concerne le dépôt que la notification, au Ministre chargé du travail, aux formalités prévues à l’article 11.

CHAPITRE IV : DE L’EXTENSION D’UNE CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE

Article 18 – (1) Les dispositions d’une convention collective nationale peuvent être rendues obligatoires pour tous les employeurs et travail- leurs compris dans son champ d’application professionnel.

(2) Cet extension s’effectue conformément aux dispositions de l’article 53 du Code et après accomplissement de la procédure de consultation prévue par le présent décret.

Article 19 – (1) Lorsque l’extension d’une convention collective nationale est envisagée, le Ministre chargé du travail fait publier dans le Journal Officiel et suivant la procédure d’urgence, un avis de projet d’extension, auquel est joint le texte in extenso de la convention, si celle-ci n’a pas déjà fait l’objet d’une publication conformément aux dispositions de l’article 52, alinéa (4) du Code.

(2) Cet avis est, d’autre part, affiché dans les bureaux des inspections du travail et de la prévoyance sociale.

Article 20 – Dans le délai de trente (30) jours qui suit la date de publication de l’avis au Journal Officiel, les organisations professionnelles et toutes personnes intéressées peuvent adresser au Ministre chargé du travail leurs observations sur les dispositions de la convention dont l’ex- tension est envisagée, et leur avis sur l’opportunité de l’extension de tout ou partie des dispositions, en considération de la situation de la branche d’activité concernée.

Article 21 – Le projet de décret portant extension est soumis à l’avis de la Commission Nationale Consultative du Travail accompagné de tous documents pertinents et, notamment, de la copie de l’avis d’extension, ainsi que des observations qui auraient été formulées dans le délai prévu à l’article 20.

Article 22 – Le retrait d’extension est soumis aux formalités de consultation prévues aux articles 19 et 20.

CHAPITRE V : DES EFFETS ET DE L’EXECUTION D’UNE CONVENTION COLLECTIVE

SECTION I : Des effets

Article 23 – (1) Sont soumis aux obligations d’une convention collective tous ceux qui l’ont signée à titre personnel, ainsi que ceux qui sont ou deviennent membres des organisations signataires.

(2) Sont également soumis aux obligations d’une convention collective nationale, une fois qu’elle a fait l’objet d’un décret d’extension, tous les employeurs et les travailleurs relevant de la ou des branche(s) d’activité concernée(s) par l’extension.
(3) Lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention collective, ces clauses s’appliquent aux contrats conclus avec lui.
(4) Dans tous les établissements, compris dans les champs d’appli- cation d’une convention collective, les dispositions de cette convention s’imposent, sauf dispositions plus favorables, aux rapports nés des contrats individuels de travail.

SECTION II : De l’exécution

Article 24 – Les organisations syndicales de travailleurs et d’employeurs liées par une convention collective sont tenues de s’abstenir de toute décision, action, attitude ou de tout comportement qui soit de nature à en compromettre la loyale extension. Elles ne sont garantes de cette exécution que dans la limite fixée par la convention.

Article 25 – (1) Une organisation syndicale liée par une convention peut, en son nom propre, intenter une action en dommages et intérêts contre tout autre syndicat ou groupement, ainsi que contre ses propres membres ou toute autre personne, liés par la convention, qui en violeraient les dispositions ou en entraveraient l’exécution.

(2) Une personne liée par une convention peut intenter une action en dommages et intérêts contre toute personne physique ou morale, liée par la même convention, qui, à son égard, en violerait des dispositions ou en entraverait l’exécution.

CHAPITRES VI : DES DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 26 – Lorsqu’une action née d’une convention collective est intentée par une personne physique ou morale, toute organisation syndicale dont les membres sont liés par ladite convention peut, sauf opposition de la personne physique ou morale qui intente cette action, intervenir à l’instance, à raison de l’intérêt collectif que la solution du litige peut présenter pour ses membres.

Article 27 – Les dispositions des articles 4, 5, 6, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 23, alinéas (3) et (4), 24, 25 et 26 s’appliquent aux accords d’établissement prévus à l’article 57 du Code.

Article 28 – Sont punis des amendes prévues à l’article 167 du Code, les auteurs d’infractions aux dispositions des conventions collectives ayant fait l’objet d’un décret d’extension, matière de salaires, primes, indemnités et de tous avantages évaluables en espèces, sans préjudice des redressements qui doivent être intégralement effectués sur mise en de- meure et dans les délais indiqués par l’inspecteur du travail et de la pré- voyance sociale du ressort.

Article 29 – Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires au présent décret, notamment celle du décret n° 75/50 du 22 janvier 1975.

Article 30 – Le Ministre du Travail et de la Prévoyance Sociale est chargé de l’application du présent décret qui sera enregistré, publié suivant la procédure d’urgence, puis inséré au Journal Officiel en anglais et en français. /-

Yaoundé, le 15 juillet 1993
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement
Simon ACHIDI ACHU
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